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Les hydrolats, des eaux thérapeutiques inégalées

Les hydrolats, des eaux thérapeutiques inégalées

Pour produire des huiles essentielles, la méthode la plus couramment utilisée est l’hydrodistillation. Lors de ce processus d’extraction, la vapeur d’eau passe à travers le matériel végétal et extrait certaines molécules solubles et certaines molécules aromatiques. Cette vapeur, une fois condensée, devient l’hydrolat à la surface duquel flotte la précieuse huile essentielle. Plus abondamment produit que son essence, l’hydrolat est souvent méconnu, sous-utilisé et même… jeté! L’utilisation des hydrolats est une médecine complémentaire douce qui est de plus en plus populaire et qui se nomme « hydrolathérapie ».

 

Dans les documents les plus récents, on parle d’une « eau florale » lorsque la matière végétale distillée est constituée de fleurs. Nous obtiendrons donc de l’eau florale de rose, de fleur d’oranger, d’ylang-ylang, de lavande, etc. Pour les autres plantes, le résultat de cette eau chargée de molécules aromatiques se nomme « hydrolat ». Pour sa part, le mot « hydrosol » est un terme générique employé pour désigner, en chimie physique, une solution colloïdale dans l’eau. En aromathérapie, l’hydrosol est une eau distillée dans laquelle une huile essentielle a été dispersée, à l’aide d’un solubilisant quelconque. Ce n’est donc pas un produit de la distillation à la vapeur d’eau. Finalement, il est possible de trouver dans certaines entreprises un produit nommé « eau essentielle » définie comme étant une huile essentielle solubilisée dans sa propre eau florale. Tous ces produits sont intéressants; vous ferez votre choix en fonction de ce que vous souhaitez en faire comme usage. Par contre, seuls l’hydrolat ou l’eau florale sont le résultat de la distillation à vapeur d’eau et contiennent plus que l’huile essentielle : cette eau est maintenant chargée de certaines particules polaires, solubles dans l’eau, non retrouvées dans son essence.

 

Il existe aussi les hydrolats non aromatiques; ils sont obtenus grâce à la distillation de plantes non aromatiques. Parmi les plus populaires, nous retrouvons l’hydrolat d’hamamélis, de fleur de centaurée (aussi nommée bleuet en Europe), de tilleul, de cassis, d’ortie, d’échinacée et bien d’autres. En effet, il est possible de distiller ces plantes afin d’y extraire la fraction moléculaire hydrosoluble. L’utilisation d’une eau de qualité pour la distillation permet au végétal « d’informer » ou de laisser son empreinte chimique : l’hydrolat est de l’eau pure informée. Pour sa part, l’hydrolat aromatique contient entre 0,05 % et 0,1 % de certaines des molécules contenues dans une huile essentielle et solubles dans l’eau de distillation. Ce ne sont pas toutes les molécules contenues dans une huile essentielle qui sont aisément hydrosolubles. Par exemple, si certaines le sont assez, tels les esters terpéniques, certaines ne le sont quasiment pas, tels les phénols. En cours de distillation, les molécules hydrophobes, ayant généralement une densité plus légère, se retrouveront à la surface de l’hydrolat pour former « l’huile essentielle ». Pour obtenir ces composants, il est nécessaire de respecter les normes de distillation en laissant tout le temps nécessaire pour que puisse se solubiliser une quantité maximum de molécules actives dans ce qui deviendra un hydrolat de qualité médicale. Dans ces normes, mentionnons que le ratio plante/eau doit se maintenir entre du 1:1 et 1:5, sans quoi, l’hydrolat sera trop dilué. La qualité du végétal, le temps opportun de récolte, le préfanage et la préparation du végétal, la température de distillation sous le 100 degrés Celsius, le maintien d’une basse pression, la disposition des plantes dans la cuve, la répartition de la chaleur et le respect du temps d’extraction sans pour autant éterniser la distillation sont des facteurs de qualité. Une distillation trop longue crée des phénomènes d’hydrolyse en queue de distillation. Ces réarrangements moléculaires entraînent l’apparition de certaines molécules n’existant pas naturellement dans la plante, créant un reflet altéré du végétal de même qu’un hydrolat avec un pH plus acide. Pour déterminer le moment opportun auquel arrêter de recueillir l’hydrolat à la sortie du condensateur tout en poursuivant la distillation pour accumuler l’huile essentielle, le producteur utilise son expérience et son savoir-faire afin d’obtenir la meilleure qualité qui soit!

 

Puisqu’il est chargé des molécules aromatiques de la plante, l’hydrolat a des fonctions similaires à celles de son essence aromatique, mais son action est plus douce. Sa solubilité totale dans l’eau nous permet de l’utiliser de manière différente de son concentré aromatique. En effet, les eaux florales se mélangent bien aux breuvages, elles sont faciles d’utilisation, autant pour les enfants que les adultes. Elles peuvent aussi s’ajouter facilement à l’eau du bain sans nécessiter l’ajout d’un solubilisant quelconque. De plus, leur utilité est grande dans la fabrication de produits cosmétiques. Ainsi, l’eau distillée, vide de propriétés médicinales, peut être remplacée par une eau florale dans la fabrication d’une crème de beauté. Les eaux florales seront alors choisies selon leurs qualités et les résultats recherchés.

 

L’eau florale peut se conserver plusieurs années. Pour cela, elle doit être entreposée dans des conditions idéales. Tout comme son essence aromatique, l’hydrolat est sensible à la chaleur, aux variations de température et à la lumière. Avant de l’entreposer, prenez soin de la filtrer à travers un filtre à café. Ce dernier récupérera les poussières, débris ou insectes « tombés dans la potion » durant la distillation. La propreté du contenant et de l’équipement (entonnoir, linge pour essuyer, etc.) est un facteur très important. Contrairement aux huiles essentielles, l’eau florale peut fermenter rapidement si elle entre en contact avec des articles réutilisés ou mal lavés. Si l’on souhaite conserver l’hydrolat de manière optimale, l’utilisation de contenants en verre sera privilégiée. Un hydrolat qui n’est plus bon se brouille et développe des filaments ou des résidus, un peu comme une mère de vinaigre qui se recompose sans arrêt, même après filtration. L’odeur est souvent affectée. Par contre, il ne faut pas se fier à ce seul critère, car un hydrolat n’a pas toujours la même odeur qu’un autre hydrolat de la même plante distillée plusieurs mois plus tôt. Tout comme c’est le cas de l’huile essentielle, plus un hydrolat est fraîchement distillé, plus il a une odeur de « brûlé », similaire à celle de beaucoup d’essences et d’eaux florales toutes neuves, sauf en cas de phénomènes d’hydrolyse. Son odeur se transformera au fil des semaines pour revenir à l’odeur initiale; celle de la plante d’où il provient.

 

Vous aurez certainement beaucoup de plaisir à lire sur le sujet et à découvrir l’utilité des nombreuses eaux florales, tant par voie interne que par voie externe. Parmi mes découvertes, je profite des bienfaits dépuratifs de l’hydrolat de livèche distillé l’an dernier. Cette année, j’espère avoir l’occasion de distiller des plantes non aromatiques, comme l’ortie et la prêle, ou certaines peu produites tels le cerfeuil musqué et l’immortelle d’argent. Et vous, quelles seront vos découvertes?

 


Par Véronik Tanguay, ND, Hta, Aromathérapeute