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La société Apis mellifera…pas encore disparue

La société Apis mellifera…pas encore disparue

Apis mellifera, c’est le nom latin des abeilles reconnues championnes de la pollinisation et de la production du miel. Mais se cachent dans cette race d’insectes évolués beaucoup de mystères inconnus des mortels. À les côtoyer de près, pour autant qu’on soit capable de s’arrêter et de mettre le mental sur pause, on arrive à saisir quelques secrets pleins de richesses et de sagesse. Je vous propose une exploration de cette société qu’on appelle la ruche; je vous fais part de mes découvertes et de mes réflexions; et je vous invite à contempler ces êtres avec conscience.

Les médias véhiculent souvent le message que les abeilles sont en voie de disparition. Ce n’est pas faux, mais il faut nuancer. Il n’y a pas moins d’abeilles au Canada, année après année, car un apiculteur expérimenté peut multiplier son cheptel par deux et même parfois par trois dans une bonne année. Le nombre d’abeilles n’a pas diminué, quand on pense qu’une reine pond environ 2000 œufs par jour en saison. La problématique est dans la santé générale des colonies. En 50 ans, une reine est passée de 5 ans de vie féconde à 2 à 3 ans. Les colonies font maintenant face à des virus et à des parasites qui n’existaient pas ou bien peu. L’environnement de plus en plus carencé les rend vulnérables aux maladies. Oui, Apis mellifera bat de l’aile, et c’est aussi le cas de la majorité des insectes pollinisateurs, mais la balle est dans notre camp. En ce moment, c’est tout l’écosystème qui est défaillant; la monoculture a créé un déséquilibre de la biodiversité, et l’utilisation de pesticides empoisonne le règne du Vivant. L’abeille, telle que nous l’avons connue dans le passé, est en voie de disparition. Elle est sérieusement atteinte dans son bien-être général, et cela, à cause de nous, les humains !

C’est vrai, il faut l’aider. Nous sommes tous responsables des choix quotidiens que nous faisons. Vous n’avez pas besoin d’adopter des ruches ou de vous passionner d’apiculture pour sauver les abeilles. Vous pouvez faire plus, juste en modifiant quelques habitudes… à travers lesquelles je vous guiderai au fil des saisons.

 

Pour l’automne, moment où les abeilles ont récolté le maximum de provisions, parlons miel !

Doit-on parler d’aliment ou de médicament ? Disons, les deux. Le miel est un « alicament » qui n’a pas fini d’étonner, tant à cause de ses propriétés thérapeutiques que de la variété d’utilisations dans l’univers culinaire.

 

Mais comment est-il fabriqué ?

Tout commence par le besoin de reproduction d’une fleur qui met tout en œuvre à l’aide de ses glandes nectaires pour attirer les insectes pollinisateurs en acheminant sa sève vers l’extérieur. L’abeille, attirée par le parfum de la plante, par sa forme et par sa couleur, vient littéralement lui faire l’amour… et voilà la fleur fécondée. Elle recueille allègrement, à l’aide de sa langue, environ 40 mg de ce liquide floral qu’elle absorbe dans son jabot, une poche expansible avant l’estomac, et retourne à la ruche.

 


Photo : www.sidiamor.org/project/apiculture/

 

En rentrant à la maison, l’abeille régurgite le liquide dans la bouche d’une ouvrière ayant le rôle de « magasinière ». Celle-ci va transmettre le liquide à une autre, et ainsi de suite, jusqu’à ce que le liquide soit déposé dans l’alvéole. Ce procédé, qu’on appelle la trophallaxie, est utile pour que le liquide perde graduellement son eau et se charge en enzymes sécrétées par les glandes salivaires, permettant la digestion des polysaccharides. C’est ainsi que de fil en aiguille, après quelques jeux de langue de plus en plus sucrés, la dernière abeille jugera que c’est le temps de déposer ce nectar dans une alvéole de la catégorie « stock de miel ».

Mais ce n’est pas fini ! Le miel qui vient d’être déposé ne sera pas « mûr » pour la consommation tant que l’abeille cirière (celle ayant le rôle de fabriquer la cire) n’aura pas jugé que le temps est venu d’operculer l’alvéole, c’est-à-dire de fermer l’ouverture d’une mince couche de cire. L’operculation est le signe, lorsqu’on veut extraire du miel de la ruche, que celui-ci est prêt, qu’il se conservera indéfiniment et qu’il ne fermentera pas, car les conditions sont parfaites. C’est l’abeille qui l’a décidé ! Je trouve cela absolument mystérieux, car aucune recherche scientifique n’a démontré encore quels sont les facteurs qui motivent ce comportement. 

Petit fait intéressant, le nectar est composé de 80 % d’eau et 20 % de sucres, mais lorsque ce liquide subit toutes les étapes de transformation nécessaires au sein de la ruche, les chiffres s’inversent. Lorsqu’il est prêt, le miel est composé de 17,2 % d’eau.

Le miel est une substance complexe et complète d’une synergie de 200 éléments. Il est principalement constitué des éléments suivants :


o   glucose

o   fructose

o   saccharose

o   acides aminés

o   protéines

o   enzymes

o   lipides

o   vitamines

o   grains de pollen

o   pigments

o   sels minéraux

Tous ces éléments varient selon la diversité des fleurs butinées. Toute une palette de couleurs de miel, de goûts et d’odeurs s’offre à nous selon les régions, les climats et les cultures.

Pour transformer le nectar en miel, les abeilles produisent deux enzymes à l’aide de leurs glandes hypopharyngiennes. L’invertase transforme le saccharose en glucose et en fructose, et le glucose-oxydase produit de l’acide gluconique et du peroxyde d’hydrogène. Ce dernier processus explique le pH alcalin du miel et le fait qu’il possède des propriétés antibactériennes. Notez qu’en dépit des avertissements liés au botulisme, aucun cas lié au miel n’a jamais été rapporté. 

 

Conservation

Le plus ancien échantillon connu de miel a été trouvé dans une tombe égyptienne antique. Il aurait environ 3000 ans… et serait encore parfaitement comestible ! Pendant des années, le miel était utilisé comme agent de conservation, au même titre que le sel !

Pour conserver les propriétés du miel, il est très important qu’il ne subisse pas de cuisson. Lorsque le miel est chauffé, l’enzyme qu’on appelle la diastase est détruite et on augmente le taux de HMF (hydroxyméthylfurfural). Produit par la dégradation du fructose, le HMF est toxique à haute dose. Dans vos préparations culinaires ou médicinales, veillez à toujours ajouter le miel à la fin pour ne pas qu’il bouille ou soit soumis à une trop grande chaleur. Le miel est un produit vivant. Pour conserver le plus longtemps ses vertus, le miel devrait être gardé au frais entre 10 et 16 °C.

 

Cristallisation

Le miel est un aliment stable qui peut se conserver durant des années sans réfrigération.

Selon le type de miel, en quelques semaines ou quelques mois, il commence à se cristalliser. Ce phénomène ne dépend que des variétés de fleurs qui ont été butinées. Par exemple, un miel de verge d’or aura tendance à se cristalliser rapidement, alors qu’un miel de trèfle prend beaucoup plus de temps, voire une année complète avant de former des cristaux.

Rassurez-vous, votre miel n’a pas perdu ses qualités. Il faut seulement liquéfier à nouveau les cristaux de glucose en mettant le pot dans une source de chaleur qui idéalement n’excède pas 40 °C. Un bain-marie fait bien le travail. Prenez en considération que la température de la ruche est à 37 °C, il ne faut pas trop s’éloigner de cette température pour conserver toutes les propriétés du miel.

 

Apithérapie

Saviez-vous que le miel est le parfait vecteur des huiles essentielles ? Il facilite leur pénétration et leur assimilation en douceur dans le corps. L’apithérapie, médecine naturelle préconisant l’association des produits de la ruche avec les huiles essentielles végétales, propose le traitement de diverses pathologies avec des « aromiels ». Vous pouvez les utiliser soit en usage externe soit en usage interne. En externe, la concentration en huile essentielle est de 1 %; elle est de 2 à 3 % en interne. C’est une médecine à découvrir, car le miel soigne, tout comme le font le pollen, la propolis, la gelée royale et le venin d’abeille.

 

Les bienfaits du miel

Le miel est un antiseptique par excellence, il cicatrise les blessures comme nul autre. Il est tellement efficace qu’on l’utilise dans les hôpitaux en France, particulièrement pour les grands brulés, à qui on applique des pansements badigeonnés de miel et de propolis. On peut utiliser le miel pour divers problèmes de peau, les preuves sont là.

Pensez à intégrer le miel dans votre alimentation pour renforcer votre système immunitaire, car c’est un antibactérien et un antibiotique naturels. Ses propriétés lubrifiantes sont très utiles pour soulager les maux de gorge. Il possède également des antioxydants, plus particulièrement des flavonoïdes capables de neutraliser les radicaux libres en donnant une chance à l’organisme de régénérer les cellules et de promouvoir la guérison. Il améliore la rétention du calcium et du magnésium ainsi que le taux d’hémoglobine, il est source de potassium pour le corps et a un effet prébiotique en nourrissant les bifidobactéries et les lactobacilles du microbiote. Il participe d’ailleurs au rétablissement d’une fonction digestive déficiente.

Le miel est vraiment un « alicament » qui peut nous apporter un bon soutien au quotidien.

Je termine en vous rappelant que le miel, c’est précieux ! Quel énorme travail pour l’abeille ! En effet, 1 kg de miel représente environ 150 000 km parcourus par les butineuses. Bien qu’il comporte de nombreux bienfaits, je vous invite à le consommer judicieusement et de façon responsable en respect avec la Terre Mère. Faites-en un achat local. Restez loin des marques commerciales des grandes épiceries et partez à la recherche des apiculteurs de votre région pour leur acheter un pot de miel. Ce sera bien meilleur !

 


Marie-Eve Lussier,
Apicultrice, spécialiste en élevage de reines et passionnée d’herboristerie
Courriel : marie.eve.lussier6@gmail.com

 

 POUR EN APPRENDRE DAVANTAGE SUR L'APICULTURE, VISIONNES CE WEBINAIRE :
Apithérapie : Apprendre à se soigner grâce aux abeilles

 

Bibliographie

CARON, D. et L. CONNOR. Honey Bee Biology and Beekeeping, Kalamazoo, Wicwas Press, 2013, 367 p.

COLLECTIF. La Bible de l’apiculteur, Parois, Delachaux et Niestlé, 2013, 412 p.

DOMERGO, R., G. IMBERT et C. BLANCHARD. La médecine des abeilles (miel, pollen, propolis, gelée royale… au quotidien), Digne-les-Bains, Baroch Editions, 2016, 173 p.

HAVENHEAD, Gloria. Honey – Nature’s Golden Healer, New York, Firefly Books Ltd., 2011, 159 p.

QUENDOLO, Daniel. Les abeilles – Biologie et comportement, Paris, Éditions Frise-Roche, 2016, 453 p.